Art-thérapie et subjectivation : un acte de résistance psychique
Dans les situations de grande souffrance psychique – psychoses, états limites, traumas complexes – le sujet est souvent dépossédé de lui-même. L’identité se fragmente, le corps devient étranger, le langage échoue. L’acte de création, dans ces contextes, n’est pas un simple passe-temps thérapeutique. Il devient un acte de résistance. Une tentative de se réapproprier un espace psychique, de faire trace, de laisser une empreinte qui témoigne d’un « je » encore présent, même de manière vacillante.
Créer, c’est poser une limite. C’est dire : « ceci est à moi », « ceci vient de moi ». Même si cela reste informe, brouillé, douloureux. Même si cela ne sera jamais montré. Le simple fait de produire, dans un espace symboliquement contenant, peut relancer un processus de subjectivation. Parfois, cela passe par le retour d’un rythme, l’inscription d’un contour, l’apparition d’un regard dans un dessin. Rien de spectaculaire, mais tout un monde intérieur qui commence à se réorganiser.
Ce blog est aussi un lieu pour penser cette part invisible du soin. Pour donner une place à ce qui se joue dans la matière, le trait, la couleur. Pour affirmer que l’art-thérapie, quand elle s’appuie sur une compréhension fine des processus psychiques, peut devenir un levier thérapeutique puissant, et pas seulement une activité occupationnelle parmi d’autres.
Sentir, formuler, peindre, évoluer : ces verbes, choisis comme fil conducteur de ce blog, résument à eux seuls les étapes d’un parcours de soin par la création. Sentir d’abord, accueillir l’émotion brute, le chaos. Formuler ensuite, par des gestes, des formes, ce qui se vit à l’intérieur. Peindre, c’est-à-dire oser poser sur un support ce qui n’avait pas encore de nom. Et enfin, évoluer : transformer la souffrance en mouvement, en récit, en possibilité d’être à nouveau au monde.
C’est cette trajectoire que j’accompagne, au quotidien, dans mon cabinet ou en institution. Et c’est cette trajectoire que je souhaite partager, ici, à travers des articles, des analyses, des lectures, des outils cliniques. Pour que l’art-thérapie continue de s’affirmer comme une pratique exigeante, rigoureuse et profondément humaine.